domingo, 11 de maio de 2008

CRISE GLOBAL

Les effets en cascade du fléchissement
 
de l'économie américaine sur l'Europe

La zone euro redoute de plus en plus d'être contaminée par le ralentissement de la croissance américaine et par la crise du crédit. Pour bien évaluer les conséquences du ralentissement de l'économie aux États-Unis, il ne suffit pas d'observer les données immédiates.

Jack Ewing

Il y a seulement quelques mois, les Européens se rassuraient en expliquant qu'ils resteraient, pour l'essentiel, à l'abri des répercussions de la crise américaine du crédit, et du fléchissement de l'économie qu'elle a entraîné. Les exportations vers l'Asie, notamment vers la Chine, devaient contrebalancer ce phénomène. Il est temps pour eux d'ouvrir les yeux sur une dure réalité.

Le président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, s'inquiète à l'idée que le renforcement de l'euro et l'augmentation des prix du pétrole nuisent au dynamisme de l'Europe. Tous les économistes du Vieux Continent se précipitent pour revoir leurs prévisions de croissance à la baisse. "Au niveau mondial, nous sommes en phase de correction", explique Rolf Schneider, directeur de la recherche économique de la Dresdner Bank qui, le 23 novembre, a revu ses estimations de croissance pour la zone euro en 2008 à 1,8 %, contre 2,1 % initialement

Il s'avère donc que les défenseurs de la thèse du "découplage", selon laquelle les économies américaine et européenne ne fonctionnent plus en tandem, n'avaient qu'à moitié raison. Il ne fait aucun doute que l'Amérique n'exerce plus la même force gravitationnelle que dans le passé. Selon l'Union de banques suisses (UBS), les exportations européennes à destination des États-Unis ont chuté, de 19 % en 1999 à 13 % aujourd'hui. Au cours de la même période, les exportations à destination des marchés émergents ont progressé, passant de 21 % à 26 %.


Trichet ne lâche pas la bride


Mais peu importent les données commerciales. La perception de la santé économique relative des États-Unis exerce une influence puissante sur le moral des décideurs à l'échelle mondiale. L'indice European 350 de Standard & Poor's, qui recense les titres boursiers européens les plus dynamiques, a suivi les mouvements en dents de scie de l'indice Dow Jones. Si les banques du Vieux Continent ont moins souffert que leurs homologues américaines de l'effondrement des subprimes , les doutes quant à l'ampleur des pertes subies ont miné la confiance entre établissements bancaires. Du même coup, les prêts entre banques et, en bout de course les prêts aux entreprises, ont été restreints. "Tôt ou tard, les événements américains ont un effet prononcé sur l'Europe", explique Ulf Schneider, directeur général de Fresenius, entreprise allemande qui est première productrice mondiale d'équipements et de services de dialyse.

Ces deux dernières années, la croissance dans les 13 pays de la zone euro a été forte, selon les critères régionaux. Elle a permis de réduire le chômage et d'aider des pays comme l'Allemagne à maîtriser leur déficit budgétaire (BusinessWeek.com, 30/10/07). La plupart des économistes s'attendent à la voir passer légèrement en dessous de la barre de 2 % l'an prochain. Cette tendance pourrait être accentuée si les États-Unis s'enfoncent dans une récession. Et il ne faut pas s'attendre à ce que M. Trichet lâche du mou. Les prix du pétrole alimentant l'inflation, qui a atteint 3 % par an en Allemagne en novembre, la BCE sera peu encline à baisser ses taux d'intérêt.

Tous ces effets s'additionnent, au grand dam des dirigeants européens qui luttent depuis dix ans pour créer une zone économique autonome immunisée contre toute contagion en provenance de la première puissance mondiale. Avec l'admission de 12 nouveaux membres, la population de l'Union européenne (UE) a presque doublé depuis 2004, ce qui a permis d'insuffler un nouveau dynamisme à l'ensemble. Les fabricants européens ont également dopé leur compétitivité - ce qui les a aidés à se prémunir des fluctuations monétaires - en transférant une part plus importante de leurs activités aux États-Unis et en Asie. La firme bavaroise BMW illustre assez bien ce phénomène. Pour contourner les problèmes posés par la plongée du dollar, le constructeur automobile s'est fixé pour objectif d'accroître la capacité de son usine de Spartanburg, en Caroline du Sud, de plus de 71 %, pour qu'il en sorte 240 000 véhicules d'ici à 2010. "Nous avons mis le paquet pour nous prémunir contre les risques naturels", explique le directeur général, Norbert Reithofer.


Effet domino


Les entreprises européennes ont aussi fourni d'importants efforts pour réduire leur dépendance vis-à-vis du marché américain. Bulgari vend désormais 40 % de ses montres et bijoux à des clients asiatiques de plus en plus riches, alors que les ventes aux États-Unis ne représentent que 14 % du total. De janvier à août 2007, les fabricants allemands de machines-outils ont vu leurs exportations à destination de la Chine, de la Russie et du reste de l'Union européenne croître à un rythme supérieur ou égal à 10 %. Dans le même temps, les ventes au pays de l'Oncle Sam ne progressaient que de 1,4 %. Mais certains analystes préviennent qu'un effet domino est possible. Si les consommateurs américains achètent moins de biens produits en Chine, les fabricants chinois achèteront moins de machines allemandes. "Ces liens indirects sont assez puissants", explique Jacques Caillou, économiste en chef chargé de la zone euro pour la Royal Bank of Scotland.

Déjà, les compagnies européennes exposées au marché immobilier américain commencent à être affectées. "Le nombre de constructions et d'installations a diminué, et nous en avons ressenti l'onde de choc", explique Patricia Russo, directrice générale d'Alcatel-Lucent. Il faut dire que l'équipementier télécom réalise près du tiers de ses 26 milliards de dollars (17,55 milliards d'euros) de recettes annuelles en Amérique du Nord et qu'il est affecté dès que le nombre de souscriptions à des abonnements Internet haut-débit diminue.

Le fabricant de logiciels allemand SAP semble mieux positionné pour encaisser le contrecoup du ralentissement de l'économie américaine. Il vient d'ajouter Wal-Mart et Apple au nombre de ses clients. Son directeur général, Henning Kagermann, nous a déclaré: "Jusqu'à présent, nous n'avons pas ressenti l'impact négatif du ralentissement économique américain. Toutefois, nous restons vigilants."

 

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