Pourquoi Musharraf est tombé
Spécialiste de l'Islam et de l'Asie centrale, Olivier Roy, 68 ans, directeur de recherche au CNRS, analyse les causes et les premières conséquences de la démission du président pakistanais Pervez Musharraf.
Le Nouvel Observateur. - Son «lâchage» par les Etats-Unis est-il à l'origine de la démission du président pakistanais ?
Olivier Roy. - Tout à fait. Pervez Musharraf est tombé parce qu'il a perdu ses deux soutiens : l'armée pakistanaise et les Etats-Unis. Les deux sont d'ailleurs liés, car il y a eu des discussions entre le chef de Fétat-major et Washington.
N.O - Comment s'explique ce revirement de la politique américaine ?
O. Roy. - Les Etats-Unis ont admis que le président pakistanais soutenait les talibans en Afghanistan et les radicaux au Cachemire ou en Inde. Il ne remplissait donc plus la fonction de «moins mauvais allié» des Etats-Unis au Pakistan dans la lutte contre le terrorisme. S'agit-il d'une marque d'impuissance ou d'un double jeu du président pakistanais ? Dans les deux cas, il ne sert plus à rien.
N.O - Quelles peuvent être les conséquences de la démission de Musharraf?
O. Roy. - On revient à la configuration des années 1990, marquée par une alternance entre le PPP (Parti du Peuple pakistanais) et l'armée. Elle implique un accord entre ces deux acteurs, qui a d'ailleurs déjà dû être conclu. Car la coalition au pouvoir n'aurait jamais engagé une procédure de destitution sans l'aval du chef de l'état-major. Dont chacun a constaté qu'il était resté silencieux.
N.O - La démission de Musharraf annonce-t-elle, selon vous, une période d'apaisement ou d'instabilité ?
O. Roy. - Je pense que l'on entre dans une phase d'instabilité, car les civils - c'est-à-dire les dirigeants des partis au pouvoir - risquent de s'enfermer dans une lutte d'influence qui rendra la coalition au pouvoir incapable de gouverner. Ce qui débouchera sans doute sur de nouvelles élections. La question sera de savoir quel rôle jouera alors l'armée...
Mathieu Pellerin Le Nouvel Observateur
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