quarta-feira, 27 de agosto de 2008

MEDIA NA RÚSSIA

Ce que les Russes ont lu, vu et

entendu sur la guerre en Géorgie

Le correspondant de Gazeta Wyborcza en Russie a observé la guerre en Géorgie à travers le prisme des médias russes, où règne une propagande grossière.
Les soldats russes devraient terminer leur retrait du territorie géorgien ce 22 août
DR
La guerre de la Russie contre la Géorgie, ce n'est pas Goliath contre David. Seuls ceux qui ne connaissent pas les médias russes et qui ignorent la seule version autorisée [expression datant de l'époque communiste] des événements pourraient le croire. Celui qui lit, écoute et regarde les médias russes sait que dans le Caucase, la Russie poursuit la lutte contre le seul adversaire digne d'elle, les Etats-Unis.

A qui les tankistes russes écrasant impunément les villages géorgiens font-ils un pied de nez ? Ce n'est pas aux Géorgiens, toute de même, parce que ceux-là, comme les Russes l'apprennent de leurs médias, ne valent pas un clou. L'infaillible Komsomolskaïa Pravda a publié, il y a quelques jours, quelques joyeuses "anecdotes sur la guerre". L'une d'elles est supposée montrer la valeur des bidasses de Saakachvili. "Petite annonce : vends carabines saisies en Ossétie du Sud. Presque jamais servi. Jetées par terre une fois, mais n'ont jamais tiré."

On s'en fout des Géorgiens. On fait le pied de nez aux Américains. La télévision étatique Rossia montre les véhicules militaires géorgiens pris soi-disant par les Russes pendant les combats dans Tskhinvali, mais en réalité pillés dans les casernes géorgiennes dévastées par les unités russes dans toute la Géorgie. "Ceci est un transporteur automoteur polonais, celui-là vient de Tchéquie" : le commentateur passe ainsi en revue les carcasses mortes, pour arriver à une fin triomphale : "Et ce blindé est américain !"

Sur la même télévision, j'ai entendu aussi que parmi les corps trouvés après la reprise de contrôle de Tskhinvali, on a trouvé des "corps de Noirs en uniforme géorgien". La mention du Noir est un motif préféré, bien que déjà trop vu, de la propagande russe. Après le massacre de Beslan, on disait aussi à Moscou qu'il y a eu un Noir parmi les [terroristes] abattus. Les dépouilles noires mythiques, qui se sont rapidement révélé être une invention de la propagande, ont alors joué le rôle de preuve irréfutable d'un lien entre les Tchétchènes et le terrorisme islamiste international.

Avec ces Noirs en uniforme géorgien, les Russes font d'une pierre deux coups : d'un côté, c'est une preuve d'implication directe des Etats-Unis dans le Caucase et de l'autre, un rappel d'une vieille vérité soviétique qui veut que quand on ne battait pas les Noirs en Amérique, on les utilisait comme chair à canon.

A présent, il est clair [pour le public russe] que la guerre géorgienne a été inventée, planifiée et préparée par les politiciens peu intelligents de Washington. Et maintenant, quand les Russes leur ont montré de quel bois ils se chauffent, ceux-là sont furieux. "Bush, en colère appelle Saakachvili : 'Mike ! Pourquoi t'as commencé cette querelle ? On vient de découvrir qu'il n'y a pas de pétrole en Ossétie du Sud ! — Je te jure, George, il en avait !', répond piteusement le président de la Géorgie." Voilà une autre anecdote relatée par la Komsomolskaïa Pravda.

Les propagandistes du Kremlin montrent inlassablement à leurs compatriotes la longue main de l'Amérique qui sème la pagaille dans le Caucase. "C'est Washington a donné la permission à Saakachvili d'annihiler la nation sud-ossète et d'attaquer nos soldats des forces du maintien de la paix", répète le politologue nationaliste Alexandre Douguine. Et Gleb Pavlovski, considéré comme le principal fricoteur de la propagande, dévoile la vraie dimension de la guerre que la Russie mène aujourd'hui contre l'Amérique : "Aujourd'hui, les Etats-Unis font une terrible pression sur les gouvernements européens à la direction de la Commission européenne. En réalité, la Russie se bat aujourd'hui pour l'Europe."

Les politologues avertissent que la guerre va durer longtemps. Les Américains vont armer leurs alliés caucasiens, et là, ça va commencer pour de bon. Il y aura d'autres occasions pour d'autres anecdotes sur la lâcheté des Géorgiens et l'idiotie des Américains. La Komsomolskaïa Pravda a d'ailleurs déjà commencé une nouvelle guerre avec une nouvelle anecdote : "Les Américains ont ordonné d'équiper d'un fond en verre les bateaux qu'ils s'apprêtent à céder à la flotte géorgienne. Les marins, en attendant la nouvelle guerre, pourront ainsi balader les touristes et leur montrer leurs épaves.

Cet humour péquenot, cette façon de tourner en dérision la Géorgie ou la Pologne, que les Russes ont appelé les "mini-alliés" de l'Amérique, témoignent d'une autosatisfaction des dirigeants russes. Ils persuadent leurs sujets que le pays, après des "années d'humiliation", n'est "plus à genoux", qu'il est prêt à se colleter avec la plus grande puissance mondiale. Et, s'il faut pour cela piétiner un peu ses voisins, il n'y a pas de quoi en faire un plat. Ils l'ont bien cherché.
Waclaw Radziwinowicz
Gazeta Wyborcza

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