Le terme de guerre économique, déjà ancien et débattu, popularisé par l'École de Guerre Économique et par des livres, revient avec "La France en guerre économique", reflet des enseignements de l'Ierse
Guerre économique ? On connaît les objections que soulève cette terminologie :
- La guerre se caractérise par la mort d'hommes administrée collectivement (le plus souvent par des organisations d'État spécialisées du nom d'armées), avec des outils spécifiques (des armes) et dans un cadre juridique et moral particulier. La guerre est une catégorie anthropologique fondamentale : la période où les autorités politiques ou religieuses proclament que ce n'est plus un crime que de tuer l'ennemi commun. La guerre est un phénomène ostensible : elle mobilise toutes les énergies d'une Nation et fonde l'existence même de l'État. Aucune de ces dimensions dramatiques ne se retrouve dans la guerre économique.
- La guerre économique se fait à des concurrents, qu'il s'agit de surpasser, non à des adversaires qu'il faut contraindre ou faire disparaître. La guerre économique vise à produire ou vendre plus que l'autre, la guerre tout court à dominer des gens ou des territoires pour y établir une autorité durable (au moins celle d'un traité entre belligérants, au plus celle du vainqueur qui remplace l'autorité politique du vaincu).
- La guerre politique se termine par la paix ( y compris la fameuse "paix des cimetières"), mais comment peut-on déclarer la "paix économique", puisqu'il y aura toujours à se développer, à gagner des marchés, à faire des profits ?
Toutes ces critiques étant admises, il reste pourtant des caractéristiques des affrontements qui font que "guerre économique" (à rapprocher de "guerre de l'information" ou "de l'image") est une métaphore un peu plus justifiée que "guerre des prix", "guerre des nerfs" ou "guerre des communiqués".
La plus évidente est que l'économie du conflit mobilise des collectivités, parfois avec des moyens régaliens, notamment dans le domaine du renseignement. Elle le fait selon des méthodes qui ne visent pas seulement à la performance (avoir de meilleurs produits et services, mieux les faire connaître, mieux les vendre, mieux anticiper le marché...) mais aussi à la puissance et au rapport de forces. Les principes de la stratégie (et en particulier celui qui veut qu'il faille réduire la liberté d'action de l'autre en accroissant la sienne) s'y retrouvent sans peine. L'art de freiner le concurrent, que ce soit en le décrédibilisant auprès de l'opinion ou en dressant devant lui des obstacles juridiques n'en est pas la partie la plus négligeable. Voir l'exemple du contrat du siècle d'ADS avec l'armée américaine.
Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que l'on enseigne l'intelligence économique à des soldats ou chez les soldats : la seule référence à la notion de sécurité de l'économie nationales et des entreprises justifie cette approche martiale. Même s'il faut apprendre pour cela l'usage d'armes comme l'information, l'influence, les normes, qui ne figurent pas toujours dans la panoplie traditionnelle.
Pas de guerre sans stratégie générale. Dans un cadre de mondialisation et de concurrence sans frontières, cela consiste d'abord à gagner des territoires économiques - des marchés- avec une préparation qui ressort à la fois au renseignement, la connaissance de l'environnement nouveau, et à l'influence - se rendre cet environnement plus favorable.
Une seconde dimension est celle de la lutte pour les règles de la lutte. Dans la mesure où l'activité économique dépend de normes internationales formelles (celles des traités internationaux, des OIG...) ou informelles (notamment celles qu'imposent les ONG par autorité morale et pression médiatique), le stratège intelligent cherchera à peser sur l'élaboration des normes et critères afin de les rendre le plus favorables possible à ses projets. C'est notamment le très riche domaine du lobbying ou de l'action internationale de ce que nous avons surnommé les OMI (Organisations Matérialisées d'Influence).
Enfin la guerre économique est aussi une guerre "pour le cœur et l'esprit des hommes" dans la mesure où elle suppose de l'apparence et de la croyance, de l'image et de la réputation, de la séduction ou de la répulsion. Cette dimension de l'affrontement n'es pas la moindre, qu'il s'agisse de mener une politique d'attraction, ou de se protéger contre les périls d'image, les mises en cause, les dénigrements au nom de facteurs techniques ou moraux qui recouvrent souvent des manipulations savantes.
Toutes ces dimensions se retrouvent dans l'ouvrage coordonnée par Hervé Kirsch et où se retrouvent les noms du préfet Pautrat, d'Alain Juillet, d'Eric Delbecque et de Christian Harbulot.
À noter, outre des chapitres portant sur les définitions fondamentales ou sur la mise en perspective historique et de nombreux exemples, des tentatives d'approche véritablement stratégiques (au sens où la stratégie n'est pas seulement la mise en œuvre de moyens en vue d'une fin, ici décidée par le politique, mais aussi une façon de lutte et contre l'adversaire et contre les aléas perturbateurs). L'inspiration par le modèle "chinois" de la "Guerre hors limites, " se retrouve particulièrement dans une partie qui tente de faire la jonction entre les méthodes purement militaires (en particulier la fameuse Méthode d'Appréciation et de Raisonnement en Situation, MARS).
La transposition de concepts stratégiques (comme "centre de gravité") dans le domaine économique est une démarche féconde ne serait-ce que dans la mesure où elle oblige à penser une complexité loin des simplifications iréniques et où elle oblige l'acteur économique à penser ce qui est étranger à son domaine de compétence, notamment les dimensions culturelles, idéologiques et polémologiques.
- La guerre se caractérise par la mort d'hommes administrée collectivement (le plus souvent par des organisations d'État spécialisées du nom d'armées), avec des outils spécifiques (des armes) et dans un cadre juridique et moral particulier. La guerre est une catégorie anthropologique fondamentale : la période où les autorités politiques ou religieuses proclament que ce n'est plus un crime que de tuer l'ennemi commun. La guerre est un phénomène ostensible : elle mobilise toutes les énergies d'une Nation et fonde l'existence même de l'État. Aucune de ces dimensions dramatiques ne se retrouve dans la guerre économique.
- La guerre économique se fait à des concurrents, qu'il s'agit de surpasser, non à des adversaires qu'il faut contraindre ou faire disparaître. La guerre économique vise à produire ou vendre plus que l'autre, la guerre tout court à dominer des gens ou des territoires pour y établir une autorité durable (au moins celle d'un traité entre belligérants, au plus celle du vainqueur qui remplace l'autorité politique du vaincu).
- La guerre politique se termine par la paix ( y compris la fameuse "paix des cimetières"), mais comment peut-on déclarer la "paix économique", puisqu'il y aura toujours à se développer, à gagner des marchés, à faire des profits ?
Toutes ces critiques étant admises, il reste pourtant des caractéristiques des affrontements qui font que "guerre économique" (à rapprocher de "guerre de l'information" ou "de l'image") est une métaphore un peu plus justifiée que "guerre des prix", "guerre des nerfs" ou "guerre des communiqués".
La plus évidente est que l'économie du conflit mobilise des collectivités, parfois avec des moyens régaliens, notamment dans le domaine du renseignement. Elle le fait selon des méthodes qui ne visent pas seulement à la performance (avoir de meilleurs produits et services, mieux les faire connaître, mieux les vendre, mieux anticiper le marché...) mais aussi à la puissance et au rapport de forces. Les principes de la stratégie (et en particulier celui qui veut qu'il faille réduire la liberté d'action de l'autre en accroissant la sienne) s'y retrouvent sans peine. L'art de freiner le concurrent, que ce soit en le décrédibilisant auprès de l'opinion ou en dressant devant lui des obstacles juridiques n'en est pas la partie la plus négligeable. Voir l'exemple du contrat du siècle d'ADS avec l'armée américaine.
Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que l'on enseigne l'intelligence économique à des soldats ou chez les soldats : la seule référence à la notion de sécurité de l'économie nationales et des entreprises justifie cette approche martiale. Même s'il faut apprendre pour cela l'usage d'armes comme l'information, l'influence, les normes, qui ne figurent pas toujours dans la panoplie traditionnelle.
Pas de guerre sans stratégie générale. Dans un cadre de mondialisation et de concurrence sans frontières, cela consiste d'abord à gagner des territoires économiques - des marchés- avec une préparation qui ressort à la fois au renseignement, la connaissance de l'environnement nouveau, et à l'influence - se rendre cet environnement plus favorable.
Une seconde dimension est celle de la lutte pour les règles de la lutte. Dans la mesure où l'activité économique dépend de normes internationales formelles (celles des traités internationaux, des OIG...) ou informelles (notamment celles qu'imposent les ONG par autorité morale et pression médiatique), le stratège intelligent cherchera à peser sur l'élaboration des normes et critères afin de les rendre le plus favorables possible à ses projets. C'est notamment le très riche domaine du lobbying ou de l'action internationale de ce que nous avons surnommé les OMI (Organisations Matérialisées d'Influence).
Enfin la guerre économique est aussi une guerre "pour le cœur et l'esprit des hommes" dans la mesure où elle suppose de l'apparence et de la croyance, de l'image et de la réputation, de la séduction ou de la répulsion. Cette dimension de l'affrontement n'es pas la moindre, qu'il s'agisse de mener une politique d'attraction, ou de se protéger contre les périls d'image, les mises en cause, les dénigrements au nom de facteurs techniques ou moraux qui recouvrent souvent des manipulations savantes.
Toutes ces dimensions se retrouvent dans l'ouvrage coordonnée par Hervé Kirsch et où se retrouvent les noms du préfet Pautrat, d'Alain Juillet, d'Eric Delbecque et de Christian Harbulot.
À noter, outre des chapitres portant sur les définitions fondamentales ou sur la mise en perspective historique et de nombreux exemples, des tentatives d'approche véritablement stratégiques (au sens où la stratégie n'est pas seulement la mise en œuvre de moyens en vue d'une fin, ici décidée par le politique, mais aussi une façon de lutte et contre l'adversaire et contre les aléas perturbateurs). L'inspiration par le modèle "chinois" de la "Guerre hors limites, " se retrouve particulièrement dans une partie qui tente de faire la jonction entre les méthodes purement militaires (en particulier la fameuse Méthode d'Appréciation et de Raisonnement en Situation, MARS).
La transposition de concepts stratégiques (comme "centre de gravité") dans le domaine économique est une démarche féconde ne serait-ce que dans la mesure où elle oblige à penser une complexité loin des simplifications iréniques et où elle oblige l'acteur économique à penser ce qui est étranger à son domaine de compétence, notamment les dimensions culturelles, idéologiques et polémologiques.
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